“Esclavos de Franco” est un recueil de bande dessinée espagnol de Chesus Calvo sorti en librairie à l’automne 2019. Artiste né à Saragosse, son ouvrage a été publié par la maison d’édition aragonaise, GP Ediciones, qui participe et stimule ainsi la création culturelle de la région.
“Esclavos de Franco” s’inscrit dans le mouvement politique et culturel de récupération de la mémoire historique républicaine de la guerre civile et de la dictature franquiste, comme en témoigne la préface signée par Quique Gómez au nom de la “Asociación de recuperación de la Memoria Histórica de Aragón”. Outre cette dimension politique, l’ouvrage a surtout un intérêt historique et pédagogique : historique puisqu’il met en lumière certains aspects de la répression franquiste de la “posguerra” occultés pendant des décennies et qui font désormais l’objet de recherches universitaires; pédagogique car le recueil rend facilement accessible à tous les publics (en particulier scolaire) cette page douloureuse de l’histoire de l’Espagne. Mais de quoi Chesus Calvo nous entretient-il au juste?
L’histoire est centrée sur le personnage de fiction Julián Villarroya, jeune milicien républicain qui, après la proclamation de la victoire de Franco le 1er avril 1939, tente de passer les Pyrénées ; capturé, il se retrouve prisonnier dans un des nombreux camps de concentration qui ont essaimé dans la péninsule à cette époque. Il devient ainsi « esclave de Franco », à l’instar de centaines de milliers d’autres « vaincus », soumis aux travaux forcés pour reconstruire le pays détruit par 1000 jours de guerre. En effet, selon le système de légitimation du soulèvement contre la République élaboré par les franquistes et qui acquiert force de lois et de vérité officielle dès 1939, les républicains qui se sont mobilisés pour défendre le régime légal sont convertis en véritables « fauteurs de guerre civile » qui doivent expier leurs crimes en offrant leur force de travail quasi gratuite pour reconstruire la patrie ruinée par leurs fautes. Conformément au « national- catholicisme » qui constitue le fondement idéologique de ce premier franquisme, les prisonniers sont condamnés à de lourdes peines ( 20 ans pour Julián Villarroya) mais bénéficient de remises de peines (rendención de penas) pour chaque jour travaillé, leur permettant ainsi d’expier et de racheter leurs péchés. Ce système d’exploitation intensive de la force de travail des vaincus offre un triple avantage pour la dictature : il vise à obtenir du travailleur captif un relatif consentement à son sort, gage de rendement économique; il entretient un espoir dans le cœur du prisonnier et le pousse à accepter la stricte discipline du camp ; il permet de draper du voile de la charité chrétienne la politique répressive féroce du pouvoir franquiste.
À partir de ce cadre historique général et du destin de son héros, l’auteur réussit à aborder de façon réaliste les conditions de vie et de travail dans ces camps de concentration du début des années 40, qui sont en réalité de véritables mouroirs. Julián, soumis à la dure discipline du camp qui vise à exploiter son corps et à contrôler son esprit, ne retrouve sa condition d’homme libre que dans de rares moments, le soir couché sur sa paillasse, où son esprit peut s’échapper dans le souvenir de sa vie d’avant. C’est ce biais qui permet à Chesus Calvo d’évoquer par une série de flash backs, le contexte du soulèvement de juillet 36 et la guerre civile, en réussissant à éviter le piège du parti-pris purement idéologique.
Sur le plan formel, l’auteur a choisi d’alterner des séquences constituées de planches sans texte décrivant une action et des séquences plus statiques où le texte constitue l’intérêt principal.
Résumons! Une fiction historique avec un début et une fin (la fin constituant une boucle avec le début, comme un écho), un « héros » ordinaire de chair et d’os ; des seconds rôles, des séquences alternant action, sentiment, violence et dialogue. Voilà matière à adaptation par le cinéma de ce recueil de très bonne facture et c’est tout le mal que nous souhaitons à son auteur !
Resumiendo! Una ficción histórica con un principio y un final (el final constituye un bucle con el principio, como un eco), un "héroe" ordinario de carne y hueso; papeles secundarios, secuencias de acción alterna, sentimiento, violencia y diálogo. ¡Este es un material, de muy buena factura, para una adaptación para el cine y es todo el mal que deseamos para su autor!
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